Depuis ses premiers articles, livres,
conférences, Roger-Pol Droit ne cesse d’interroger l’humain, sa singularité,
ses motivations, les rouages qui le conduisent à mener des actions engagées,
courageuses, dignes ou, au contraire, à violer les droits des autres hommes...
Un questionnement qui pousse le journaliste-écrivain-philosophe à se frotter
sans concession à ce qu’il est, afin de
ne pas risquer d’enfermer sa pensée dans des concepts qui pourraient
emprisonner sa soif de comprendre et son désir de liberté intérieure. Un
cheminement qui l’a conduit également à s’immerger dans d’autres cultures et
traditions afin, là encore, de cerner le mystère de l’humain. Cette énigme, il
essaie de la démêler, à nouveau, dans
son dernier livre, « Si je n’avais
plus qu’une heure à vivre », publié chez Odile Jacob. Un ouvrage au
propos épuré, qui nous aide à nous
confronter sans tricher à ce qui fait sens, ou pas, dans notre existence ;
à mettre les choses en perspective, et à répondre, en filigrane, et sans
attendre, à cette question qui nous taraude tous : à quoi sert une vie humaine ?
- A quoi sert fondamentalement ce type
d’exercice ? A découvrir qui on est vraiment ? Cela peut sembler bien
dérisoire, voire un peu puéril de s’y adonner tant que la mort n’est pas là, de
manière certaine…
Non, ce n’est ni
dérisoire ni puéril, car il n’est évidemment pas question d’attendre notre
dernière heure pour réfléchir au fait que nous sommes mortels, et encore moins
pour en tirer les conséquences ! Si j’imagine ce dispositif, c’est donc
comme une expérience de pensée qui nous permet de nous confronter à
l’essentiel, à ce qui compte le
plus dans la vie, pour chacun d’entre nous. C’est donc un
livre sur la vie, et non sur la
mort. Je crois en effet que pour découvrir ce qui est
essentiel, il faut nécessairement se confronter à l’idée de la mort. Sans cette prise
de conscience de notre finitude, nous ne pourrions pas être véritablement
humains.
.............
- C’est quoi une vie d’homme réussie ? Ce n’est
pas forcément une vie « aseptisée », sans erreurs….
Il me semble que
c’est une vie qui assume de ne pas tout savoir, ni tout maîtriser. Qui accepte
aussi de voir le monde comme le jeu sans fin de forces opposées (amour et
haine, bonheur et malheur, paix et guerre, silence et bruits, jour et nuit
etc.). Notre erreur la plus répandue, mais aussi la plus grave, à mes yeux, est
de croire qu’il serait possible de n’être que dans l’amour, le bonheur, la paix
etc. Nous devons nous y efforcer, mais je suis convaincu qu’un monde sans
négatif est impossible. On peut diminuer la haine, le malheur, la guerre etc,
et bien sûr on doit s’y efforcer. Mais on doit aussi savoir qu’il est illusoire
de songer à les éradiquer totalement.
- Avez-vous des regrets ?
Non, pas vraiment.
Comment dire ? J’ai évidemment raté certaines choses, comme tout le monde,
et réussi d’autres. Mais le regret est une catégorie dont je n’ai pas l’usage.
Il me semble que ça empêche d’avancer, et il n’y a que la marche en avant qui
m’intéresse réellement.
- Vous n’êtes pas croyant. Avez-vous peur de la
mort ?
Il me semble que
tout être humain a peur de la
mort. Ce peut être plus ou moins intensément, et cette peur
peut prendre des formes très diverses, mais personne n’en est totalement
exempt. Quant à mon incroyance, elle est relative, dans la mesure où je sais
qu’il ne s’agit pas d’un savoir, mais justement d’une croyance : je crois
qu’il n’existe pas de Dieu créateur, d’immortalité de l’âme, de vie après la
mort... mais j’ai pleinement conscience que ce ne sont que des croyances , pas
des connaissances ni des certitudes. Du coup, je ne peux pas exclure d’être
surpris ! Mais, de toute façon, je sais également combien cette peut du
néant est un fantasme : personne ne se lamente du néant qui précède sa
naissance. Celui qui suit notre décès n’est pas plus terrible.
- Un mot sur les débats actuels : euthanasie,
suicide assisté…. Qu’en pensez-vous en tant que philosophe ? Et, pour vous-mêmes
si vous étiez confronté à un choix de cet ordre ?
Je dois
distinguer nettement vos deux questions. J’ai été durant six ans membre du Comité Consultatif National
d’Ethique, et il me semble qu’il faut à la fois donner droit au choix de chacun
de choisir sa fin de vie et en même temps être extrêmement prudent, afin de ne
pas inscrire dans la loi des dispositions qui pourraient donner lieu à des
dérives dangereuses, des pratiques d’élimination. C’est un problème extrêmement
complexe, car il fait entrer en jeu quantité de facteurs et de sensibilités
diverses, et chaque situation concrète est en fait un cas particulier, ce qui
rend très délicat de légiférer. En revanche, si je me pose la question pour
moi-même, j’ai le sentiment que je souhaiterais mettre fin à mes jours, ou
qu’on le fasse pour moi à ma demande, si disparaissaient les possibilités
d’action qui à mes yeux donnent sens à la vie. Mais, pour être honnête, je n’en
sais rien. Car ce que je pense aujourd’hui, en bonne santé et pas encore
vraiment vieux, n’est pas nécessairement ce que je voudrais dans une situation
toute différente.
www.rpdroit.com
RETROUVEZ l'intégralité de ma rencontre avec Roger-Pol Droit sur: http://www.lyoncapitale.fr/Journal/France-monde/Culture/Livres/Roger-Pol-Droit-un-etre-humain-pour-quoi-faire
RETROUVEZ l'intégralité de ma rencontre avec Roger-Pol Droit sur: http://www.lyoncapitale.fr/Journal/France-monde/Culture/Livres/Roger-Pol-Droit-un-etre-humain-pour-quoi-faire
Belle route
Soyez heureux et faites en profiter les autres
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