La philosophie et la spiritualité sont deux des fils principaux qui
tressent la trame de l’existence de Frédéric Lenoir. Un intérêt qui témoigne
d’une quête intérieure si essentielle pour lui, qu’il la décline également,
depuis toujours, sur un plan professionnel. Dans le Monde des Religions qu’il dirige, dans ses essais qui parlent de
sagesse, dans ses romans bâtis sur des quêtes intérieures, et dans son émission
sur France Culture « Les
racines du ciel » qui interroge sur le sens de la vie. Dans son dernier
livre, « La guérison du monde »
(Fayard), la maturité venant, une certaine sérénité aussi, Frédéric Lenoir
cesse de questionner les hommes, les sages et le divin, pour proposer sa propre
vision du monde. Un nouveau paradigme destiné à sortir nos sociétés de la crise
systémique majeure qu’elles traversent et qui détruit leurs fondements même.
Et, pour en finir avec cette détérioration de nos vies et de la planète, il
propose de développer responsabilité individuelle et collective en liant
liberté et fraternité.
Ce livre part d’un constat : le monde va de plus en plus mal…
Pas
forcément. Il y a des cotés très positifs dans beaucoup de domaines : le
confort : de
meilleures conditions d’habitat; la santé : on vit mieux
et plus vieux ; la paix : les conflits sont moins généralisés
actuellement qu’au siècle dernier. Mais, paradoxalement, les problèmes
rencontrés sont plus graves du fait de la mondialisation. Un
exemple typique de ce phénomène est la crise des subprimes. Tout étant
interdépendant, ces crédits qui ont, au départ, vérolés l’économie américaine,
ont ensuite largement contribués à créer la crise économique mondiale que l’on
connait depuis plus de 5
ans maintenant. Il en est de même avec les questions sanitaires. Les virus ne s’arrêtent pas aux frontières. S’ils
ne sont pas endigués rapidement dans le pays d’origine, ils peuvent très vite
gagner le reste de la planète et provoquer des pandémies. C’est ce que je nomme
le caractère global des crises. Nous sommes tous concernés par des risques
élevés.
Par
ailleurs, depuis 30-40 ans, le monde subit une mutation/globalisation
extrêmement rapide qui crée des déséquilibres majeurs et des difficultés
récurrentes dans tous les domaines : l’environnement, l’économie, la
santé, l’agriculture, les valeurs, le vivre ensemble. Je me suis posé la
question des causes
de cette crise systémique et je défends ici l’idée qu’il y a
une cause principale qui concerne tous ces secteurs : la prédominance de
l’idéologie consumériste du capitalisme ultra libéral et financier, tel qu’il
s’est développé depuis une trentaine d’années. La recherche constante du
meilleur rendement, de la maximisation du profit sur le court-terme, détruit à
la fois les individus, les sociétés, la planète. Pour en
sortir, je prône une logique non plus quantitative, mais qualitative, qui
remette la terre, l’homme et le vivant au centre de tout. Il
importe de réfléchir sans attendre à des stratégies qui, déployées sur le long
terme, respecteront les équilibres fragiles des écosystèmes, amélioreront les
conditions de vie des humains et des sociétés. Certaines personnes,
associations ou entreprises ont commencées à initier ce processus comme je le
montre dans mon livre. Si nous sommes nombreux à nous mobiliser, à unir nos
efforts, nous pourrons améliorer les choses, en profondeur.
Ce qui permettrait de redonner du sens à nos existences ?
La
crise des valeurs et du sens que traversent nos sociétés est en partie liée,
sur un plan historique, à l’effondrement des grandes religions. Certaines se
sont décrédibilisées, notamment en Occident, en conservant des récits religieux
qui donnent une vision du monde trop différente de la manière dont nous pouvons
l’appréhender désormais grâce aux avancées scientifiques. Ce qui a conduit
beaucoup de fidèles à chercher des réponses à leurs questions existentielles
ailleurs ; et parfois même jusque dans des idéologies politiques parfois
pires encore, qui se sont à leur tour effondrées. Ce double effondrement des
idéologies religieuses et politiques a eu pour conséquence en Europe une perte
de l’intérêt collectif, qui a débouché dans les années 80 au développement d’un
individualisme consumériste, utilitariste et narcissique. Celui-ci a fait
disparaître le lien social qui favorisait, autrefois, le vivre ensemble à
partir de valeurs communes. Ce constat m’a conduit à poser une question simple,
mais fondamentale : nous vivons à l’âge du village planétaire, mais
comment construire une civilisation planétaire sur des valeurs
partagées alors que l’Occident est rongé par l’individualisme utilitariste
et que les autres civilisations ont chacune leurs propres systèmes de croyances
et de valeurs ? J’y réponds dans mon livre en montrant quelles sont les valeurs
essentielles qui rassemblent les hommes dans tous les pays et dans toutes les cultures.
On trouve six grandes valeurs universelles. La recherche de la vérité ou de la
véracité : les mots doivent correspondre aux faits. La justice, qui
implique une certaine notion d’égalité et de partage. Le respect
d’autrui : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te
fasse ». Cette règle d’or est le fondement de toute vie sociale. L’amour
et la compassion, qui nous poussent à aider notre prochain même si nous n’y
avons pas intérêt. La beauté et l’art, qui élèvent l’homme. Et, la liberté !
L’être humain doit avoir le
droit d’exprimer ce qu’il est, sans entrave. Cette dernière
valeur toutefois ne se conçoit pas de la même manière dans toutes les
civilisations. C’est le principal point de fracture entre le monde moderne
occidental et les sociétés traditionnelles. La limite des sociétés
traditionnelles, qui offrent de profonds liens de solidarités, c’est qu’elles enferment l’individu dans le
moule des croyances et des normes collectives. Le drame de l’occident moderne
est d’avoir émancipé un individu qui a bien souvent jouie de sa liberté en
oubliant ses responsabilités vis-à-vis des autres, des générations futures et
de la planète. La
liberté implique la
responsabilité. Une véritable civilisation planétaire pourra
exister lorsque les sociétés traditionnelles accepteront les libertés
individuelles et lorsque que l’Occident retrouvera le sens de la responsabilité
et de la fraternité qui lui font actuellement tant défaut.
Vous dites qu’une révolution de la
conscience est en marche, et qu’elle est mue par deux forces, la vie et
l’amour….
Comment
accepter en effet que la vie soit de
plus en plus abîmée sur la planète : les forêts, les
animaux, la biodiversité, les océans ? Comment admettre également la
détérioration galopante qui existe actuellement dans les rapports humains, dans les familles ou au travail ? Ces
dégradations sont telles que nous n’avons d’autre choix que de réagir. Le monde
n’est pas une marchandise. La vie et l’amour sont plus importants que le
profit. Nous devons résister et entrainer les autres. J’ai écrit ce livre pour
montrer qu’il existe des solutions, des alternatives. Plus nous serons nombreux
à en prendre conscience et à agir en conséquence, plus nous pourrons construire
un monde différent, plus solidaire, plus humain.
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